Un "moment de détente" ... [PV Alessa]

Le soleil n'était pas encore levé, il ne lui restait qu'une dizaine de minutes. Le loup noir aux nuances rougeatres couraient comme un damné parmis les arbres, traquant sa proie avec une fascination sinistre. Il ne faisait qu'un avec la nature, et rien ni personne ne pourait l'empêcher de rattrapper sa victime pour lui planter ses crocs acérés dans la gorge. Sa course était souple, telle une danse enivrante, il bondissait avec le vent et aucun obstacle ne semblait suffisant pour le ralentir. La ralentir, c'était une louve, une meveilleuse louve semblable à toutes les autres, et jamais personne n'aurait pu se douter que dans dix minutes, c'en serait finit de cette course effrennée. Non, plus dix minutes, neuf minutes maintenant, et elle avait toujours une vingtaine de mètres de retard sur sa proie. C'était faisable.

Elle accèléra, ses muscles se contractant et se rétractant à mesure qu'elle avançait, elle ne ressentait pas la fatigue, juste l'ivresse de la chasse qui circulait dans ses veines. Elle était comme transportée par les vents, chaque mouvement la rapprochait un peu plus la proie qu'elle traquait, il avait beau courir à une vitesse folle, il était très faible par rapport à elle et à mesure qu'il se fatigait elle parvenait à gagner un mètre, deux mètres, trois, cinq, elle sortit les crocs. Il lui restait sept minutes seulement, et quinze mètres à rattrapper sur sa proie. Elle aurait très bien pu attendre et le suivre simplement, redevenue elle-même elle aurait été tout aussi capable de l'anéantir, mais sa forme animale refusait de laisser cette euphorie, elle voulait toujours aller plus vite, plus loin, et le jeune vampire commençait à faiblir, à trébucher parfois. Si jeune, il allait mourir avant la fin de sa toute première nuit... Pauvre chose, si fatiguée et si vulnérable, dix mètres maintenant et il restait cinq minutes, cinq minutes pour le rattrapper et le tuer de ses griffes acérées. Elle aurait aimé le mordre, ses crocs n'attendaient que ça, mais elle n'était pas prête à mourir de cette inconscience, les vampires étaient toxiques et l'hardiesse de certains lycans leur avait couté la vie, elle n'était pas si jeune et inexpérimentée, elle prendrait un grand plaisir à laisser ses griffes transpercer les chaires de cette gorge qui ne pulsait plus aux battement du coeur. Quatre minutes, plus que sept mètres.

Maintenant transpercée de toute part par cette folle exaltation, la louve puisa dans ses dernières forces alors que le vampire s'approchait de l'abri où il pourait enfin se protéger du soleil, où il pourait peut-être éviter cet animal enragé qui le poursuivait. Trois minutes, cinq mètres, le coeur de la louve battait à tout rompre dans sa poitrine alors qu'elle commençait à ressentir la douleur de la course effrenée. Elle était habituée à courir, mais plus le soleil s'approchait de l'horizon, plus elle sentait que ses faiblesses humaines la rattrappaient. Non, elle ne perdrait pas ce combat, elle le tuerait avant de perdre sa fureur animale, deux minutes et plus que trois mètres, maintenant si proche que l'odeur nauséabonde du vampire lui agressait les narines.

Une seule minute, si elle parvenait à le rattrapper d'un mètre encore elle pourrait bondir sur lui et l'égorger avant de redevenir humaine. C'était très peu mais elle y arriverait, elle puisa dans toutes ses capacités pour accellérer encore, et enfin elle contracta une dernière fois ses muscles, ses poumons étaient brulant, elle ressentait déjà la colère qui s'échappait de son être, elle redevenait elle même et la douleur envahit chacun de ses membres comme une multitude de poignard enfoncé dans sa chaire, mais elle n'était pas encore perdue. Elle bondit, sa victime n'eut que le temps de se retourner pour voir sa traqueuse lui tomber dessus, il tenta de gagner du temps en la faisant rouler mais la louve était stable et elle n'attendit pas une seule seconde avant de lever sa patte douloureuse et d'enfoncer sèchement ses griffes dans la gorge du vampire. Il lui restait quelques secondes, elle rayonnait, l'euphorie était immense et follement excitante, elle profita des derniers instants pour déchirer encore et encore les chaires du vampire malodorant, et puis le soleil se leva et elle s'écroula sur le vampire, roulant sur le sol pour ne pas faire d'ombre au soleil qui achevait sa tâche en brulant les restes du vampire déchiqueté.

Fermant les yeux, essouflées et ses muscles engourdis par la douleur, il fallut quelques minutes à la petite fille pour reprendre sa respiration et pavenir à bouger à nouveau. Là, elle se redressa pour regarder où elle était. Quel dommage, le jeune vampire ne l'avait pas emmené au repère de son maître, il n'y avait là qu'une petite batisse qui l'aurait à peine caché du soleil... Il n'aurait pas eu une seule chance. Se laissant retomber, épuisée, Alessa prit encore quelques respirations avant d'entendre un bruit de pas à l'intérieur de la batisse. Elle se redressa à la hâte et ne prit que le temps de ramasser les effets du vampire qui n'était maintenant plus qu'une flaque de sang dans les feuilles, pour se camoufler parmis les arbres. Vêtue d'un pantalon de toile noire et d'un t shirt aux manches longues de la même couleur, elle ne faisait pas tâche à l'horizon, et même sa chevelure rousse semblait se confondre avec la lueur de l'aube.

Curieuse, la jeune demoiselle aux mains couvertes de sang jeta un regard vers l'humaine qui venait de sortir de cette demeure, et elle se sentit doucement défaillir. Il s'agissait d'une femme du plus bel âge, elle devait avoir un peu plus d'une vingtaine d'années, une longues chevelure d'un agréable blond bouclé cascadant dans son dos alors que ses mains fines promenaient un morceau de bois devant elle, Alessa ne chercha plus à se cacher, elle s'avança doucement vers la jeune femme pour l'observer de plus près. La demoiselle releva sa tête dont les yeux vides ne laissaient planer aucun doute quant à son handicap, et elle sembla sourire au néant avant de prendre la parole d'une voix qui allait à merveille avec son visage, une voix douce et compattisante.

Alessa s'approcha encore, n'osant trop regarder les yeux de la femme qui lui faisait face. Elle s'approcha jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un mètre entre la femme et elle-même, c'est la sublime blonde qui fit le dernier pas pour venir chercher à taton les épaules de la petite fille, visant d'abord trop haut en croyant probablement être face à une adulte, puis promenant ses doigts effilés sur le visage de la jeune lycanne qui, sans vraiment savoir pourquoi, retenait ses larmes, c'était la première fois qu'Alessa rencontrait une humaine aveugle, et étrangement ça lui faisait beaucoup de mal.

Alessa voulut acquiesser mais se ravisa, alors elle lâcha juste un " oui " de sa petite voix frêle et cristaline, et elle suivit la jeune femme chez elle sans vraiment se demander pourquoi elle le faisait. Voir cette femme si vulnérable la rendait à la fois curieuse et désespérée, sa nature pacifique avait complètement effacé les quelques émotions qui suivaient encore sa traque, et elle ne savait que faire pour aider cette pauvre femme. Accepter de rester à ses côtés était sans doute la meilleure chose qu'elle pouvait lui offrir en ce moment. Promenant sa canne, la jeune femme proposa une chaise à Alessa qui s'assit sans un mot, évitant de regarder la jeune femme qui lui faisait face.

Alessa sentit un éteau se serrer autour de sa gorge. Elle ne savait pas pourquoi, mais un présentiment lui dictait que le mari de cette femme ne reviendrait pas. Elle n'avait sentie aucune odeur dans cette forêt, à part celle du vampire, mais elle préfèra le taire, il valait mieux éviter d'inquièter cette pauvre femme, peut-être qu'Alessa se trompait, qu'elle avait été trop obsédée par sa proie pour sentir une autre présence. La jeune femme lui servit un verre d'eau auquel Alessa répondit avec un timide " merci ". Elle regarda la femme s'assoir en face d'elle, elle se demandait bien pourquoi cette humaine lui racontait tout ça ? Avait-elle aussi l'impression qu'il ne reviendrait pas ?

Alessa crut qu'elle allait s'étrangler avec une gorgée d'eau. Avait-elle mal comprit ? Etait-ce une accusation ? La jeune lycanne aux apparences de petite fille fixa la jeune femme sans rien oser répondre. Elle se contenta d'attendre que la jeune femme reprenne la parole.

Cette fois-ci, Alessa se leva de sa chaise tout en posant la main sur la garde de son katana. Etait-ce donc un piège ? Cette femme savait que la petite fille était une créature de la nuit et elle l'avait probablement invitée pour la tuer comme n'importe quel humain l'aurait fait. Race étrange, elle n'avait jamais rien fait pour mériter leur haine, elle ne s'en était jamais prise à un humain qui ne tentait pas de la tuer, et aucun des siens ne l'avaient fait à sa connaissance. Alors pourquoi ? Pourquoi les humains se persuadaient que les lycans étaient aussi néfastes que les vampires ? Pourquoi ne pas laisser simplement les loups errer tranquillement dans leur meute ?

Certes, cette femme venait d'affirmer qu'elle ne lui en voulait pas, qu'elle savait qu'elle n'était pas comme eux, mais ce n'était qu'un piètre mensonge. Maintenant, Alessa était enfermée et la femme se trouvait entre elle et la porte d'entrée. Cette femme était-elle puissante ? Serait-elle capable de la tuer ? Puisqu'elle n'avait pas d'armes, c'est qu'elle n'en avait probablement pas besoin... Et dire que la jeune lycanne avait eu pitié de cette humaine.

Alessa hésita un instant, mais elle s'approcha doucement de l'aveugle. De toute façon, si cette femme mentait, elle aurait très probablement le dessus sur la lycanne. Lentement, elle approcha ses mains de celles de l'aveuges, posées sur la table, et lorsqu'elle les toucha un flot de sentations traversa son esprit à une vitesse presque douloureuse. Elle sentit défiler en elle les pensées déchirantes de la jeune aveugle: sa rencontre avec cet homme éperduement amoureux d'elle malgré son handicap, la douleur qu'elle avait ressentie en sachant que son mari rejoingnait le clan Namida, et surtout l'affreux malêtre qu'elle avait ressenti au moment où une odeur de sang l'avait tirée du sommeil. Un sang dont elle connaissait trop bien l'odeur, les larmes coulaient abondamment sur les joues d'Alessa qui se sentait en cet instant comme la jeune femme, perdue et tellement seule. La jeune lycanne n'avait pu voir que du noir, puisque cette femme était aveugle et qu'elle n'avait donc aucune pensée visuelle, mais les odeurs étaient tellement fortes qu'elle aurait presque eut envie de crier, et dire qu'il ne s'agissait que de pensées, qu'en aurait-il été si elle avait été capable de fouiller sa mémoire comme elle le faisait avec les autres lycans ? Elle retira ses mains et recula de quelques pas, murmurant juste qu'elle était vraiment désolée. Oui, l'homme qu'elle avait sentit, cet homme qui allait devenir père, elle savait maintenant qu'il avait été sa proie un peu plus tôt. Elle l'avait pourchassée après l'avoir vu mourir sous ses yeux, incapable de le sauver de cette atroce douleur qui pourissait encore son corps quand elle était arrivée. Elle était arrivée trop tard que pour le tuer avant qu'il ne devienne vampire, et elle avait dû le poursuivre jusqu'à cette maison où il était probablement venu parce qu'il en gardait le souvenir de sa vie humaine comme d'un abri qui le sauverait du mal. Cette femme attendait l'enfant du vampire dont la flaque de sang empoissonait maintenant l'herbe devant la maison. Alessa crut qu'elle allait tomber, elle continuait à pleurer toutes les larmes de son corps quand la blonde prit à nouveau la parole.

Alessa aurait aimé prendre cette femme dans ses bras, mais elle était complètement paralysée. C'était tellement douloureux de savoir que trois vies venaient d'être ruinées par un vampire, il avait transformé un homme et ainsi avait condamné le mari, la femme et l'enfant. Jamais elle n'aurait été capable de comettre une telle atrocité, jamais elle ne pourrait transformer un humain même si ses rangs se mettaient à s'amoindrir. Même un solitaire, même un volontaire, elle n'aurait pas pu polluer le sang humain de ses morsures. Peut-être n'était ce qu'une réaction d'enfant, puisqu'elle en avait le corps, mais à la place du vampire elle aurait préféré se laisser mourir de faim plutôt que de massacrer ainsi la vie de pauvres gens.

Sans un mot, Alessa s'approcha de la porte d'entrée et choisit de ne pas se retourner en entendant la jeune femme fondre en larme en pensant à cet enfant qu'elle ne serait jamais capable d'élever seule. Les mains encore couverte du sang de ce vampire qu'elle venait de tuer, elle s'en alla le coeur lourd pour rejoindre la clairière où elle pourrait se ressourcer avant de rejoindre les siens. La matinnée était déjà bien avancée, ils n'auraient probablement pas besoin d'elle pour le moment, et de toute façon elle ne se sentait pas vraiment capable de regarder les siens juste après avoir entendu cette humaine la remercier.

Lorsqu'elle arriva à la clairière, Alessa sentit une odeur humaine qu'elle aurait préféré éviter, mais en l'entendant soupirer elle devina qu'il l'avait entendue, alors elle s'approcha et se contenta de s'assoir sur un rocher non loin de l'humain pour prendre la parole d'une voix encore affaiblie par les larmes qu'elle avait versées un peu plus tôt.

Alessa essuya son visage de la main et une trainée de sang se posa sur sa joue. Elle posa le regard sur ses mains encore couverte du sang du vampire et elle lâcha un soupir. Cet humain ne savait probablement pas ce qu'elle était, il ne pouvait pas le savoir car seuls les lycans étaient capable de différencier les humains des leurs durant la journée, grâce à leur odorat tellement plus dévellopé. Pauvre créatures que les humains, si vulnérables... N'avait-il pas droit eux aussi à une vie paisible ? Si seulement les vampires n'avaient pas existé, jamais la guerre n'aurait eu lieu, et tant de souffrances auraient été épargnées aux lycans et aux humains...

Face à la réponse de l'humain, Alessa se tû pour méditer quelques minutes à ces étranges paroles. Pour elle, il n'existait pas de joie s'il n'existait pas de douleur, les deux étaient aussi complémentaires que le jour et la nuit, que le soleil et la pluie, et si l'un devait disparaître un jour l'autre aurait bien vite perdu son sens pour disparaître également. Ne rien faire... Voilà une bien étrange conception du plaisir, comme les humains pouvaient être étrange, Alessa ne parvenait pas à les comprendres malgré les nombreuses années qu'elle avait passées à les étudier pour apprendre à s'en méfier, à leur offir une crainte pacifique, ou juste une douce indifférence. Pourtant, malgré les connaissances théoriques, chaque rencontre avec un humain la laissait penser qu'il était impossible de les étudier, ils étaient si différents les uns des autres, certains tellement faibles sous une couverture de courage, d'autres tellement fort malgré leurs craintes. Ils étaient prêt à se battre pour leur vie, prêt à tout pour simplement retrouver leur quiétude...

En fait, plus la jeune lycanne découvrait le monde, et plus elle se rendait compte qu'elle aurait aussi bien pu être humaine si la nuit ne l'avait pas changée en une créature honnorable mais terriblement dangereuse. Elle aussi pouvait rire et pleurer, même si elle ne se le permettait que rarement de par son rang de maître, elle aussi craignait la mort de ses proches plus que la sienne, mais il y avait malgré tout une chose qui rapprochait, celon elle, les humains des vampires. Ils attaquaient sans connaître, se défendaient face à des fantômes invisibles pour s'en prendre à des corps innocents qui ne leur avaient jamais adressé le moindre regard amer. Les vampires n'avaient pas de pitié, ne se préoccupaient pas de l'être mais du groupe, et il en allait de même pour ces humains qui combattaient la différence comme on combat une arme, en ne prennant pas la peine d'y chercher un allié. Les lycans étaient d'un esprit plus souples, ils ne s'attaquaient pas comme s'ils avaient été aveugles, ils ne faisaient que se protéger, et ce même s'il avait été décidé qu'aucun vampire ne serait épargné. Ceux là faisaient partie d'une société indisociable, et ils l'avaient prouvés en brisant un pacte qui aurait put apporter une paix millénaire, tout ça pour un égoïsme muet et détestable.

Après quelques minutes bercées dans un paisible silence, Alessa se leva et s'approcha doucement du jeune humain, ses pieds nus insonores dans l'herbe et la terre de cette clairière perdue. Êtres tellement vulnérables, elle n'aurait eut qu'à sortir son arme en il y aurait perdu la vie... Mais peut-être savait-il seulement qu'elle ne lui était pas hostile ? Ou peut-être que, comme la jeune blonde qu'elle avait quittée un peu plus tôt, il ne se préocuppait pas de ce qui pourait lui advenir en terrain découvert, il ignorait la mort et il ne craignait pas d'en faire la rencontre. Quelle race étrange que les humains, la paisible enfant se demandait vraiment si elle les comprendrait un jour. Arrivant enfin face à lui, à un mètre seulement de cet inconnu qui ne semblait pas écoeuré du sang sur ses mains, qui n'en semblait même pas craindre la provenance, elle enfonça son regard d'un gris voilé de bleu dans celui du jeune garçon pour y déceler quelque chose. De la peur ? De la témérité ? De la folie ? Elle ne savait pas, elle cherchait juste quelque chose mais ne trouvait rien, parce qu'il n'y avait probablement rien à trouver, et qu'elle ne saurait de toute façon rien de lui tant qu'elle ne l'aurait pas touché pour savoir, mais elle était tellement épuisée... Fatiguée de cette traque interminable qui avait engourdi ses muscles redevenus faibles à sa renaissance au monde humain, et épuisée de tout ce que lui avait fait ressentir cette femme.

La jeune fille posa un nouveau regard sur ses mains couvertes de sang, même une enfant attisait la méfiance lorsqu'elle était couverte d'un sang qui n'était pas le siens. Alors pourquoi ? Pourquoi la regardait-il avec cette indifférence, cette confiance, cette assurance ? Il devait pourtant savoir que les loups trainaient dans ces forêts durant la journée, même s'ils n'y étaient que des créatures semblables à celles de leur espèce, et puisque tout humain tuait par crainte d'être tué, pourquoi restait-il là ? En voyant une jeune fille qui s'avançait vers lui avec un regard emprunt d'une curiosité morbide, avec des mains couvertes d'un liquide rougeatre si essentiel à sa propre survie. Même si elle était humaine, ce dont il s'était probabement persuadé puisqu'il n'avait pas encore fait preuve d'hostilité, elle portait malgré tout sur elle l'emprunte de la mort d'un autre...

Alessa aurait presque voulu rire si elle n'avait pas su que les humains, eux aussi, pouvaient posséder des pouvoirs. Incapable de connaîte les capacités de cet humain, elle aurait été bien incapable de dire si elle pouvait le tuer aussi facilement qu'elle n'en avait l'impression, mais elle ne lui fit pas l'affront de le lui demander ou même de tester ses aptitudes au combat. Elle n'était pas là pour se battre, elle était là pour se remettre de ce qu'elle venait de vivre, et elle n'était pas le genre de personne qui présente des réactions hostiles à qui ne lui en accorde pas, hormis peut-être lorsque l'animal qui someillait en elle s'éprennait de sa chair, la nuit, pour exterioriser toute cette colère et cette fureur qu'elle n'exprimait que sous la menace lorsqu'elle avait cette allure d'enfant rousse aux yeux étonnament captivant. Oui, dans ces moments là elle était une créature qui ne se préocuppait plus que de son instinct, et qui laissait bien loin derrière toutes ces belles idéologies de la paix entre les lycans et le restent du monde. Lorsqu'elle était louve, elle ne saisissait plus tout ce qu'elle pouvait ressentir en tant qu'humaines, la pitié n'était que corruption et elle suivait donc ses sens là où la chasse la menait, et qu'importe qu'il s'agisse d'un nuisible ou pas, elle commençait seulement à différencier les personnes qui lui étaient familières et amicales du reste de ses proies. Et étrangement, aussi pacifiste pouvait-elle être, cette sensation d'être libérée du poid de toutes ces querelles humaines la rendait grandement euphoriqe, et elle ne s'en serait passer pour rien au monde. Il en allait probablement de même pour les autres lycans, pouvoir oublier tous les principes sous la forme d'un animal honnorable permettait d'ouvrir plus grands les yeux durant le jour, et de faire preuve de compatie là où les autres ne cherchaient que de stupides et dangereuses hostilités.

A sa présentation, elle lui adressa un léger sourire. Etait-ce un mensonge ? Un excès de confiance en sois ou juste une preuve de sa grande puissance ? Elle le voyait dans son regard, il ne mentait pas, il parlait vraiment de lui comme s'il n'avait rien à craindre de l'enfant qui lui faisait face, comme si jamais il ne lui serait venu à l'idée que cette fille puisse le massacrer d'un coup de croc. En fait, c'était logique, elle n'était qu'une gamine et même avec son étrange façon de parler et le sang qui trainait sur ses mains, il était bien difficile de croire qu'elle soit une grande menace pour qui que ce soit. C'était souvent vexant, mais surtout très utile pour jouer sur l'effet de surprise. Quand on la voyait se battre pour la première fois, on perdait souvent la vie de l'avoir sous estimée, ou de n'avoir pas pensé aux facultés spéciales que sa jeune nature lui permettait de posséder, comme une vitesse accrue ou une incroyable facilité à se glisser dans les plus petits passages. Quoiqu'il en soit, il lui demandait de se présenter, mais que savait-il déjà d'elle ? Pas d'elle en tant que personne mais d'elle en tant que lycanne sous le nom d'Alessa Kuukyo ? La jeune lycanne n'avait pas la moindre idée des informations que les humains pouvaient posséder sur les lycans, et pour ne pas risquer la vie de ses proches par imprudence, elle choisit le mensonge qui passerait de toute façon inaperçu sur son visage aux traits trop doux que pour être ceux d'une menteuse. Tellement manipulatrice, elle aurait pu faire croire que les chiens savaient voler si elle en avait eu envie, tant elle pouvait être convainquante dans le rôle de " la vérité sort de la bouche des enfants ".

Un flot de paroles parfaitement limpides, car le sang sur ses mains ne voulaient pas dire qu'elle était lycanne, et même sa façon étrange de parler ne pouvait rien prouver quant à sa provenance. Les humains étaient tellement différents qu'ils étaient bien incapable de ne pas s'inventer des histoires d'aristocratie quand on leur adressait des paroles de philosophes. Oui, il se dirait qu'elle était mûre pour son âge, et qu'elle s'appellait bel et bien Malicia, et jamais il ne saurait que tout ça n'était que mensonge tant qu'elle lui prétendrait que tel était la réalité. En fait, c'était loin d'être un désavantage, ce minois de petite fille toute fragile... Son père lui-même en avait fait les frais, persuadés que sa fille serait un adversaire facile qu'il anéantirait en quelques coups de forces, alors que la petite était en fait une petite bombe ambulante prête à exploser sur quiconque cherche à lui nuire.

La petite s'assit en tailleur face à l'humain et le dévisagea longuement en reprennant un visage où seule une macabre curiosité règnait. Elle détaillait la couleur de sa peau, de ses yeux, de ses cheveux, cherchait à connaître l'odeur et le son, analysait tout avec ses sens tellement plus développés que ceux des humains, et plus elle cherchait plus elle avait l'impression de se cogner au vide le plus abolu. Rien, elle ne parvenait pas à trouver quoique ce soit qui aurait pu l'apparenter à la théorie des humains, et il n'avait pourtant rien de cette vulnérable femme aveugle qui devait encore maintenant pleurer la mort de son amant dans sa petite maison perdue au milieu de la forêt. Il n'était pas le nuisible humain que les lycans semblaient destinés à craindre et à tuer pour se protéger, mais il ne ressemblait pourtant pas à l'un de ces humains pacifiques qui ne cherchent pas à tout prix à tuer les créatures différentes. Si seulement elle avait pu le toucher et lire en lui, mais dévoiler ses pouvoirs auraient été une bien mauvaise idée, puisque lui même n'en avait rien dit. Trop en faire était souvent bien pire encore que des paroles prononcées au mauvais moment où de la mauvaise façon, alors plutôt que de trouver le moyen de s'approprier les pensées de cet esprit inconnu, la petite choisit de reprendre la parole d'une voix égale à elle même, claire et douce.

La petite resta sâgement assise, comme une élève curieuse qui tente de décortiquer le savoir de son professeur pour savoir si elle peut vraiment l'écouter comme elle écouterait ses parents. Patiente, elle ne le pressa en aucune façon, gardant un visage doux et attentif, ne perdant pas une miette des réactions de son visage, des nuances de son odeur et de tout ce qui s'échappait de lui et qu'elle pouvait percevoir comme le vent perçoit la terre, comme le feu perçoit l'eau, en se sachant hors d'atteinte et aussi dangereuse qu'il ne pouvait l'être pour elle. Elle n'avait pas peur, elle ne se sentait pas plus en position de force, elle était juste une paisible créature qui cherchait les détails qui feraient avancer sa recherche sur la race humaine.

Il riait, pourtant elle n'avait pas l'impression de lui avoir dit quoique ce soit de drôle. Que du contraire, c'était même plutôt inquiètant, mais après tout il était humain, pourquoi aurait-elle cherché une logique quelconque dans ses réactions tout en sachant que les siens étaient lamentablement tués par cette race pour des crimes qu'ils n'avaient pas commis, par une simple supposition infondée. Il se décrivit humain, et malgré ce qu'il devait en penser, Alessa trouva ce mot bien plus complexe que le reste de son discours, il avait beau affirmer que toutes espèces étaient différentes, ressentaient des besoins et des envies indépendantes, elle n'en pensait pas moins qu'elle était égale aux siens, et que les vampires se valaient assez bien les uns les autres. Seul les humains étaient à ce point dénue d'une personalité propre à leur race, et c'est pour cette raison qu'on ne pouvait rien savoir d'eux, on ne pouvait pas leur attribuer de particularité physique parcequ'ils en avaient tous, alors que tout vampire possédait une peau pâle, des crocs impressionnants. Les lycans quant à eux ne se ressemblaient pas sous leur forme humaine, mais dégageaient tous cette odeur similaire d'animal sauvage, alors que l'odeur humaine n'était reconnaissable que par son étrange insignifiance. Avec l'odorat, Alessa était capable de reconnaître les siens, de faire même des liens entre les familles sans se préoccuper des traits physiques, et les vampires possédaient une odeur si acre que c'en était douloureux pour les pauvres loups. Les humains, eux, n'avaient rien de particulier, n'avaient aucun point odorant commun, si ce n'est leur incroyable banalité. Mais voyant que l'humain avait des pensées cartésiennes, elle choisit de ne plus s'attarder sur ce sujet, qu'il traîne devant la mort n'avait pas vraiment d'importance, après tout.

Elle ne se mettait pas vraiment en danger, en quoi celà pouvait bien signifier qu'elle en était ? Elle affichait simplement la curiosité enfantine si connue en la race humaine, elle affichait un regard plus grâve, comme si elle éprouvait de l'inquiétude. Une inquiétude qu'il interprêterait de toute façon mal, pensant que la petite attachante se souciait de ce qu'il pourrait bien arrivé à son aîné, alors qu'elle s'inquiètait juste de savoir si cet humain pouvait représenter un danger pour les siens. Il ne lui paraissait pas hostile, mais il y avait encore tant de jeunes lycans que l'expériences ne semblait pas interesser, et qui fonçaient souvent tête baissée par simple préocuppation d'obtenir du pouvoir, de la force... S'il n'était pas dangereux en ce moment, cet humain aurait très bien pu rencontrer un lycan hostile dans cette clairière, et Alessa voulait maintenant savoir si elle devait tenter d'éloigner cet humain de la clairière pour le bien des siens, ou s'il était plus vulnérable que dangereux. Il se disait posséder des pouvoirs, ce qui n'était pas très intelligent puisque la logique veut qu'on tente de garder un effet de surprise sur les gens qui pourraient nous être prédateur, mais à quel point ces pouvoirs lui permettaient-ils de tenir tête aux lycans sous leur forme humaine ? S'il était trop puissant à son gout, Alessa n'aurait d'autre choix que de lui faire débarasser la clairière d'une façon ou d'une autre, même si cette aidée ne lui plaisait pas particulièrement, elle le ferait pour le bien de sa meute.

Toujours assise en tailleur, attendant qu'un nouveau flot de paroles s'échappe des lèvres humaines, elle se concentra dans un silence paisible. En la voyant, on ne se serait pas douté qu'elle profitait des mutismes pour méditer et pour se préparer à une menace quelconque, prête à ne faire qu'un seul corps avec son arme pour se débarasser du dangereux envahisseur si cet humain en devenait un. Plus elle parlait, plus elle prenait de risque d'être à découvert, mais sa curiosité et cette rencontre de l'aube la poussait à se montrer téméraire pour s'assurer qu'elle ne tomberait pas dans un guet-appent, ou que sa meute n'allait pas être une fois de plus agressée pour un manque d'attention de sa part.

La réponse de l'humain était satisfaisante, alors la jeune fille, rassurée, put décider de lui laisser la vie. Bien sûr, elle n'était pas aveugle de l'arme qu'il portait, mais son inscinct lui signalait qu'il ne s'agissait pas d'argent, or la nuit cette arme n'aurait donc pas eu plus d'effet qu'un couteau en plastique, et c'était bien le seul moment où un lycan aurait choisi de s'attaquer à un humain. Acquiessant doucement, la petite se releva avec souplesse et grâce alors que l'humain en faisait de même, prenant congé probablement pour retourner à sa vie paisible. Tant mieux, ce serait ce temps en moins qu'il passerait à errer dans la forêt, et au moins elle avait prit le temps de laisser de côté le visage de cette femme esseulée, dans un coin de son esprit. Le sang sur ses mains était maintenant sec, elle passerait donc par la rivière avant de rejoindre le clan où on l'attendait probablement pour faire un compte rendu des problèmes de cette nuit. Prête à partir, elle écouta les dernières paroles de l'humain avec un demi-sourire.

Un sourire cette fois amusé flotta sur ses fines lèvres rosées, il est vrai que les membres de la meute n'auraient certainnement pas été ravi de voir la jeune demoiselle approcher de si près un potentiel enemi. Non pas qu'ils n'avaient pas confiance en sa force, son habileté et son intelligence, mais personne n'aurait souhaité perdre la petite dans un bête accident. doucement, elle s'inclina pour saluer le jeune homme avant de quitter la clairière d'un pas gracieux, presque dansant. Chacun de ses pas s'acceléra un peu, pour qu'elle en vienne au bout d'un moment à courir avec sa magnificence animale. Elle veillait à ce qu'il ne la suive pas, il était mieux pour lui qu'il ne connaisse pas l'emplacement du clan, pour sa sécurité.

Comme la jeune demoiselle l'avait prévu, elle se rendit à la rivière où elle nettoya paisiblement ses mains, ne pouvant s'empêcher de repenser encore à cette femme blonde qu'elle avait laissée face à un deuil dont elle était en partie responsable. Un instant, elle se demanda ce qu'il se serait passé si elle avait pu arriver plus tôt, avant que le jeune vampire ne débute son agonie, avant que le poison ne s'infiltre dans ses veines... Sa femme avait avoué que l'homme était un membre du clan, il aurait donc sûrement tenter de tuer la pauvre louve qui osait venir se porter à son secours. Non, il ne se serait pas poser de questions, pas plus que les autres ne s'en posaient quand ils voyaient un lycan, que ce soit une femme ou un homme, un enfant ou pas. Décidément, que ces gens pouvaient être compliqué... Il était étonnant de voir à quel point ils pouvaient être indépendants, pour cette femme qui ne voulait pas des idées de son mari, pour le jeune homme qu'elle venait de quitter et qui ne se préocuppait de rien tant qu'on lui laissait la paix... Combien d'humains étaient ainsi innocents dans cette guerre sanglante ? Et combien de temps mettraient ces humains à changer de clan à mesure qu'ils perdraient père, mère, femme et enfants aux crocs de ses barbares de vampires ? Tout ça était tellement injuste... Et dire qu'il y a quelques années, la meute était un lieu paisible où personne ne devait apprendre à se battre, où les seules choses importantes étaient d'apprendre à ne faire qu'un avec sa forme animale pour ne pas blesser les siens sans le vouloir, et à apprendre ce que n'importe quel humain aurait apprit pour entrer dans la vie active.

Fatiguée, la jeune demoiselle quitta la rivière au bout de quelques minutes pour rejoindre son cher clan dans les montagnes, laissant défiler ses sens pour s'assurer qu'on ne la suivrait pas...

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